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assus.antoin e@gmail.com
merci pour votre intérêt pour les oeuvres de solomon assus.
j'ai envoyé à de
Par AOUNALLAH IMAD, le 24.08.2017
a mr antoine assus.
de quelle ouevre parlez-vous? salomon assus a dessiné et publié des centaines de cp di
Par badiacaricaturesaf, le 24.08.2017
a mr
aounallah imad ,
bien reçu votre message. faites votre offre, merci. cordialement http://badiaca ric
Par badiacaricaturesaf, le 24.08.2017
serait il possible de disposer d'une photo de ces œuvres ?
antoine assus
assus.a ntoine@gmail.c om
Par Assus, le 24.08.2017
bonjour badiacaricatur esafn
merci pour votre intérêt et votre email. uniquement si on me fait une bonne off
Par AOUNALLAH IMAD, le 08.08.2017
· Kristel et Canastel des villages près d’ Oran
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Date de création : 31.07.2009
Dernière mise à jour :
19.12.2022
32 articles
Une vue aérienne de Kristel - (photo de Arthus Bertrand)
Kristel et Canastel
des villages
près d’ Oran
Canastel est le nom hispanisé de Krichtel.
Lorsque les espagnols rencontrèrent les Krichtels pour la première fois, au début du XVème siècle, à l’occasion de l’achat de légumes, fruits, poissons, et que ceux-ci se nommèrent, ils ont traduits, Krichtel par Canastel. Difficulté de compréhension, erreur de transcription ou simplement facilitation de prononciation comme le soulignent les linguistes. Les mots se transforment, vivent et évoluent et Krichtel devint Kristel.
Canastel ou Kristel désignaient à l’origine le même lieu, selon la chronique de voyage du docteur Shaw en 1730. A l’époque, on donnait ce titre en Angleterre aux médecins, aux membres du Barreau, aux membres du Clergé. Savant, ecclésiastique, chapelain de la factorie anglaise, il a visité Oran et sa région en 1730, et a écrit une relation de ses voyages, parue en 1743. Peut-être était-il aussi un peu espion? On connaît les sentiments fraternels qui unissent la perfide Albion à la douce France, n‘est-ce-pas?
Les Oranais connaissent deux endroits différents. Tous les deux situés sur la côte à l’Est d’Oran. L’un Canastel, distant de 7 kms après le quartier de Gambetta, dont on parlera plus bas, et l’autre Kristel ou Krichtel des anciens qui se trouve à environ 25 Kms. On s’y rendait avec la compagnie des cars Faz et Marchado qui assuraient la liaison entre Oran et Kristel, par St Cloud, Canastel et Aïn Franin. Après l’arrivée des Français, les villageois allaient vendre leurs produits aux Halles de Cuvelier, un quartier d’Oran, situé au Sud-Est entouré des quartiers de La Cité Petit, du Foyer oranais, de Brunie et de Choupot.
KRICHTEL ou Kristel
Etude onomastique.
Krichtel ou Kristel serait la contraction de 2 mots berbères : Krich = Ventre et Tell = La montagne. D’où Krich/Tell qui signifierait : ”Le ventre de la montagne”. Quand on connaît le lieu, cette explication est plausible. Une pointe rocheuse qui s’avance dans la mer, entourée de deux plages, l’une de galets et l’autre de sable, Sidi Moussa et Tamda (Santa).
L’Origine du Nom
Kristel doit son nom aux premiers habitants du lieu : Les Krichtels ou Krichteuls
Ceux-ci appartiennent à la tribu des Beni Amer, originaires de la région de Ghazouan près de Taïf, une ville près de Djedda, qui se trouve à trois journées de la Mecque. Ils sont les descendants des Zénètes de la branche des Maghroua issue elle-même des Ouled Rached, installés dans une partie du Maroc et en Oranie.
Le Nom de Krichtel vient de l’ancêtre de la tribu qui s’appelait : Krichtel ben Mohamed ben Tabet ben Mendil ben Abderrahmane el Maghraoui. Charles André Julien, dans son Histoire de l’Afrique du Nord parue en 1975, nous éclaire à ce sujet. Il écrit: « Les Zénètes ou Zénatas sont de nouveaux venus au Maghreb par rapport aux anciennes tribus Berbères. Ce sont de grands nomades chameliers qui n’avaient aucune racine dans le pays, aucune solidarité dans la vieille Afrique. Pasteurs nomades ou transhumants Kharijites au Xème siècle, ils ont lutté contre les sédentaires Sanhadjas pour asseoir leur suprématie à l’ouest du pays. La Zénétie centrale comprenait une partie du Maroc et l’Oranie”.
L’émir Abd el Kader appartenait à cette Tribu- il vivait près de Ma’Asker littéralement la mère des soldats (devenu Mascara) au lieu-dit les Guethnas (les Tentes). Ce mot Guethna est le pluriel de Guitoune, que nous avons adopté pour désigner une tente militaire.
On comprend mieux la relative indépendance de la tribu des Krichtel par rapport à celles des Smelas et Douaïrs des environs d’Oran, qui appartenaient aux tribus sédentaires des Sanhadjas. Les Zénètes et les Sanhadjas constituant les deux grandes familles de Berbères en Algérie. Les écrits de “El Mécherfi de 1764, traduits par Marcel Bodin, démontrent les origines des «Krichtel « et leurs déambulations en Algérie pour se fixer enfin à l’ouest bien avant l’arrivée des espagnols. La traduction de Monsieur Marcel Bodin est somptueuse, à titre posthume, qu’il en soit ici remercié. Marcel Bodin né à Mostaganem en 1875 et mort dans la même ville en 1956.
Les Villageois
Les Krichtel comptent vers le milieu du 16 ème siècle une population forte d’environ 90 habitations c’est-à-dire plus ou moins 450 individus, ce qui est faible en regard des Smelas et des Douairs qui vivaient près d’Oran, aux abords de Kargentah. Cela peut expliquer en partie qu’ils se soient ralliés aux espagnols, dès leur arrivée au XVIème siècle sur les côtes d’ Oranie, bien que les raisons profondes remontent plus avant dans leur histoire. On l’a vu plus haut.
Le Village de Krichtel
En se déplaçant vers l’est, à quelques lieues d’Oran, environ 25 Kms, se trouve Kristel. Ce petit village qui fait face à la mer, est situé dans un champ d’oliviers au pied de la montagne des lions, le djebel « Khar » des arabes, au sud du cap Ferrat abrité par la pointe de l’aiguille. On y accède par une route en lacets qui descend vers la mer. Ses habitants étaient des cultivateurs, devenus aussi des pêcheurs-cultivateurs puis maraîchers. Les figuiers aux branches tortueuses et envahissantes, chargés de délicieuses figues vertes ou noires attestent de la présence dans la terre d’une eau abondante. Deux sources miraculeuses dans cet endroit désert. L’une descend de la montagne des lions et vient irriguer les beaux jardins qui se déploient en étages jusqu’à la mer, l’autre source dite «de Sidi Moussa». Dans tous les lieux de cette côte d’Afrique, où se trouvait l’eau, se trouvait aussi l’homme. Ainsi pour la fondation d’ Oran en 902, et sa source de Raz el Aïn.
Les Espagnols occupent Oran après leur victoire sur le roi de Tlemcen le 17 Mai 1509 par les armées du Cardinal Ximenes commandées par Pedro Navarro, jusqu’en 1708. Les Turcs reprennent la ville jusqu’en 1732. Le 1er Juillet 1732, après la victoire remportée à Aïn el Turc par le comte de Montemar. Oran est reprise au Dey de Mascara jusqu’en 1792, soit 2 ans après le terrible tremblement de terre qui détruisit pratiquement toute la ville. Malgré ce tremblement de terre, la ville assiégée, a résisté aux assaillants. C’est le traité signé à Alger avec le Dey, qui abandonne la ville et non une défaite militaire. Les Beys de Mascara s’installent alors à Oran de 1792 jusqu’à l’ arrivée des français, le 4 Janvier 1831.
Au temps de l’occupation espagnole d’Oran, les villageois de Kristel approvisionnaient par bateau les habitants de la ville et la garnison. Outre les légumes, fruits, poissons, comme on l’a déjà dit, ils vendaient aussi des cires et surtout des esclaves. Oran est un préside c’est-à-dire un bagne, duquel on ne pouvait sortir par terre, ni s’approvisionner, sinon par la force. Pour reconnaître leurs alliés de leurs ennemis, les espagnols les tatouèrent. Les tribus des Douairs et Smelas qui occupaient le plateau du Kheneg en-netah, lieu où l’on tue les taureaux, ou le marché aux bestiaux, l’actuel Karguentah, ne pouvaient tolérer ces incursions d’autant que cette tribu était l’alliée de l’occupant. Quelquefois pour éviter les attaques des tribus de Karguentah, les Krichtels étaient obligé de se réfugier dans les grottes qui se trouvaient au pied des falaises de l’actuel Château-neuf, ou de rebrousser chemin par la mer.
TEGHTI et Renseignements
Pourtant alors qu’ils sont peu nombreux, ils sont forts et redoutables. A côtés de leurs occupations majeures, le commerce, la pêche et le maraîchage, ils pratiquent le “Teghti” c’est -à- dire le rapt, ou comme le dit si joliment el Mécherfi : ” L’enlèvement subreptice ”. Ils fournissaient aux espagnols des renseignements sur tel ou tel Douar, ou sur tels ou tels individus, soit qu’ils enlevaient eux-mêmes, soit qu’ils bénéficiaient en retour du fruit de la Razzia opérée par les sorties de “commando” d’une partie de la garnison espagnole. Cette sortie devait être extrêmement bien préparée et minutieuse. Les douars attaqués se trouvaient quelquefois fort éloignés d’Oran, et sitôt les enlèvements commis, il fallait rentrer à bride abattue pour éviter les attaques d’autres tribus amies venues à la rescousse. Cela était souvent possible grâce aux bons renseignements des Krichtels.
Eux-mêmes procédaient de la sorte: ils se munissaient d’une ceinture de cuir, attaquaient leur victime en lui plaçant la ceinture dans la bouche et l’amenaient de nuit sur la place d’Oran, où ils la vendait aux espagnols. Que Dieu les maudissent, les confondent et en purgent la terre! s’exclame le pieu El Mécherfi . Un Musulman vend un Musulman à l’infidèle abhorré.
Soit dit en passant, les espagnols loin de leur sol adoptaient les modes de vie du lieu et s’enrichissaient de la vente des prisonniers. Ils avaient coutume de baptiser et d’élever ensuite dans la religion chrétienne les enfants en bas âge capturés au cours d’une razzia. Pour cette occasion le vicaire général et le capitaine général de la place assistaient aux pompes et donnaient un nom aux enfants nouvellement baptisés qui formaient ainsi le groupe des nouveaux chrétiens .
CANASTEL
L’origine du nom de Canastel près d’Oran, vient comme l’a vu, de sa proximité avec le village de Kristel duquel il n’est éloigné que d’une dizaine de kms. Avec le temps est parvenu jusqu’à nous les deux noms: le vrai et sa déformation. Le même nom a été aussi donné à une pointe de terre, nommée Ahmeur Dekenah (pente rouge) ou Cabo Rojo (cap Rouge ou cap Roux), d’autres disaient Cabo rousso. Si bien que l’on trouve dans le prolongement en venant d’Oran, la pointe de Canastel, Kristel, la pointe de l’aiguille, le Cap Ferrat, le cap Carbon puis près du fort de la pointe, le village d’Arzew qui ferme la boucle à l’Est de cette presqu’île, annonçant les fameuses plages de Damesme, Saint Leu et Port aux Poules.
Le lieu-dit Canastel qui se trouve près d’Oran à environ 7 kms après le quartier de Gambetta est un lieu de création récente. Il a été créé au cours de l’année 1930, écrit Eugène Cruck en 1939, par trois de nos concitoyens, MM Rico, Dordé et Soler qui n’hésitèrent pas à immobiliser une petite fortune, là où il n’y avait qu’un plateau couvert de broussailles, et de genêts odorants.
Très rapidement apparaissent dans ce lieu huppé, pour les riches et les nantis, de luxueuses constructions comme Le “Grand hôtel” de 30 chambres dont une façade s’élève à pic à 200 mètres au-dessus de la mer, inauguré en 1925. Il possédait une vaste terrasse d’où l’on pouvait admirer la baie d’Oran. La magnifique vue que l’on avait du haut de son promontoire, et sa proximité de la ville faisait que ce lieu de rêve était très fréquenté par la haute société oranaise, et les notables de passage. La station « Climatérique» recevaient les «Hiverneurs» de France et de l’Est algérien. A côté du Casino des Falaises se trouvaient le tennis, les restaurants “la Guinguette”, “Bagatelle” et quelques villas. Le Casino était un endroit réputé......pouvaient-on lire sur les guides Thiolet de 1937.
Les pêcheurs à la ligne des quartiers de gambetta, de Saint -Eugène et des quartiers populaires préféraient les rochers à demi immergés qui longeaient la côte oranaise au pied des falaises de Canastel et plus près de la Cueva del Agua (la cova lagua), pour la variété de leurs poissons. Encore que, la déverse des égouts de la ville attirait une variété particulière de poissons; les mulets. Les plus débrouillards pêchaient au loin en barques «faites-maison» : les Botes à ventre arrondi ou les Pasteras à fond plat.
Annexes:
C’est en m’inspirant de l’ouvrage du Docteur Shaw, des lectures des sites de nos compatriotes, de la Revue Africaine, notre trésor “national”, que j’offre aux Oranais d’abord, puis à tous les autres curieux, ces quelques lignes historiques sur Canastel et Kristel.
Je vous signale, si vous ne le savez pas déjà, que l’on peut consulter par internet et/ou télécharger les premiers 80 volumes de la Revue Africaine, véritable trésor de connaissances, fondée par Louis-Adrien Berbrugger (1801/1869).
http://www.algerie-ancienne.com/livres/Revue/revue.htm
puis, dans ce site ci-dessous se trouvent aussi des livres anciens sur l’Algérie que l’on peut télécharger
http://www.algerie-ancienne.com/index.htm
LA SYNAGOGUE D'ORAN
L'appellation Synagogue, désignait originellement la communauté. Le nom est transféré à l'édifice dans lequel elle priait. La synagogue devient une institution religieuse officielle du judaïsme rabbinique après la destruction du temple de Salomon en 70 après J.C. Elle est depuis la maison des prières " Beth ha tefillah ".
Rien n'est plus long et difficile que de prendre des décisions d'emplacements et de situations des futurs monuments qui orneront une ville, surtout quand on ne manque pas de place, que les problèmes financiers s’ajoutent et qu'il faut en même temps traiter avec les militaires. C’est ce qui s’est passé à Oran, lors de la construction de la grande synagogue. Commencée en 1880, elle fut achevée en 1918, soit 38 ans.
Les problèmes rencontrés par les élus ont été doubles. Premièrement, subir les contraintes imposées par les gouverneurs de la place militaire. Longtemps, à Oran, pour des raison de défense, l'avis des militaires a prévalu sur les décisions civiles. Il s’agissait souvent de questions de défense et de fortifications. Protéger les côtes des attaques venant de la mer. Avec le progrès des armements, les murs fortifiés ont eu moins d`importance. N’en déplaise à Albert Camus, cela explique en partie, que notre ville tourne le dos à la mer.
Deuxièmement, ne pas provoquer la colère des habitants de la basse ville et déranger ainsi les habitudes en place depuis si longtemps. Les grandes familles juives, telles Lasry qui disposaient de consistoires, et Mardochée Darmon, grosse fortune, qui fit construire à ses frais la synagogue consistoriale d’Oran. Celui-ci avait été avant 1792, le mandataire officiel de Mohamed el Kébir, le dey de Mascara, son Khaznadji, mot turc désignant le trésorier, mais surtout un des fondateurs de la communauté. C’est à lui, que l’on doit la construction du quartier juif, sur les hauteurs de la ville, derb el Yud, premier quartier aux rues alignées, selon le vœu du Dey.
Lespès René (1870/1944), historien des villes et professeur à la faculté d’Alger, nous a laissé un document historique exceptionnel dans lequel, il expose une à une les séances du conseil municipal, à ce propos. Voir son livre sur Oran paru en 1938: Etude de géographie et d’histoire urbaine.
C'est au cours de l'une d'entre elles, qui se déroula le 28 septembre 1867, dirigée par le maire Mr Floréal Mathieu que fut réglée la question des " réserves civiles ", dans laquelle fut prévu entre autres décisions, l'emplacement de la synagogue à l'angle du boulevard Sébastopol et de la rue d'Arzeu prolongée vers le Bd Magenta. Pour l’anecdote, c'est le docteur Shaw, un prélat anglais, qui, écrivant une chronique de ses voyages en Algérie pour des anglais, « Voyage dans la régence d’Alger en 1830 «, a ajouté un w au nom d'Arzeu. En fait la synagogue se situe à l'angle des Bd Sébastopol et Magenta .
Les lieux du culte ne suffisent plus, ils sont trop petits et trop dispersés, ils ne favorisent pas le rassemblement de la communauté. Bien que le retard a été dû en partie au fait que certains juifs préféraient la discrétion de leurs petits lieux de culte, les Schules, aux fastes de la nouvelle synagogue. Il y en avait plusieurs: la synagogue consistoriale, le kahal de la place de Naples, la synagogue Lasry du nom de Jacob Lasry qui l'offrit à la communauté en 1863, la synagogue rabbi Youda Moatté, rue d'Austerlitz, la synagogue Zagouri rue de Lützen, la synagogue Haïm Touboul ouverte en 1877 rue des Pyramides.
A cette époque, Oran est un immense chantier et prend tous les jours de l'importance. L'activité de son port ne cesse de croître, et la ville commence à s’étendre vers le haut de la place d’Armes de Karguenta et du plateau St Michel. La spéculation immobilière bat son train, mais le terrain est donné gratuitement par la ville.
En 1880, la première pierre est posée. La construction va se faire par souscription volontaire en Afrique du Nord, en France et même en Angleterre. La synagogue d'Oran se trouve au boulevard Joffre à Oran, ex Bd National.
Il a fallu une foi extraordinaire pour recueillir les fonds nécessaires, mais aussi le courage religieux et politique pour mener à bien l'organisation et la direction de l'oeuvre. dont les travaux ont duré plus de 38 ans. Il n’a fallu que 4 ans pour construire la grande synagogue de Rome (1901/1904) qui lui ressemble un peu. On avait vu grand, et les devis ont été largement dépassés. La municipalité, par décision majoritaire participe pour clore le budget manquant. Les juifs oranais, libérés des mesures humiliantes imposées par le statut de Dhimmi, ne pas construire plus haut que les Mosquées, ajoutent deux grandes tours de 20 mètres, qui vont s’élever orgueilleusement dans le ciel oranais.
Les travaux terminés, le grand rabbin d’Alger Moïse Weil (1852-1914) peut réceptionner l'édifice religieux. Les juifs d’Oran, ont du accepter les grands rabbins venus d’Alsace.
Mazal toy ! Mazal tov! , félicitations, bonne chance, bonne chance. C'était mérité pour les milliers de croyants anonymes chargés de recueillir des fonds et qui ont gardé l'espoir malgré les innombrables entraves, les difficultés financières et les résistances conservatrices.
Le 12 Mai 1918 la synagogue est inaugurée en présence d'une foule énorme évaluée à plus de 5000 personnes venues de tous les coins d'Algérie mais aussi de France et de l'étranger. L'émotion atteint son comble, lorsque les portes se sont ouvertes pour laisser entrer les fidèles, à la main, le livre des prières, leur siddour . Il n'y eut pas assez de place, mais on n'était plus sous le coup des interdictions et les prières pouvaient être entendues de la rue.
Toute la nuit l'allégresse et les chants se sont fait entendre, et dans les maisons en paix, les pères levaient les verres en regardant leurs fils et disaient: " Lekhaïm, Lekhaïm " , à la vie, à la vie. En portant ces souhaits, les pères voulaient espérer un meilleur avenir pour leurs enfants, mais ils espéraient aussi les garder près d'eux, car avec l'éclatement du quartier, les libertés nouvelles et la guerre, ceux ci échappaient à la communauté.
Nous sommes en 1918,la guerre n'est pas encore terminée, le grand rabbin Weil termine son allocution " en suppliant Dieu de protéger la France, de lui conserver sa force et son prestige, et de lui donner enfin la victoire qu’elle a si bien méritée.
Vue de l'extérieur, le bâtiment est très important. La façade où une splendide rosace aux vitraux multicolores qui illuminent l'intérieur. De plus, elle est parée de chaque côté de 2 tourelles de 20 mètres de hauteur où sont accolées deux ailes aux coupoles harmonieuses qui terminent l'ensemble. A l'intérieur trois grandes portes surmontées de vitraux s'ouvrent sur la nef. Ces vingt mètres sont symboliques du désir d'élévation religieuse et témoignent de la liberté de construire en hauteur, trop longtemps réprimée en terre d'Islam. Nous remercions E. Cruck pour son livre: « Promenades dans Oran édité chez Fouques en 1939, duquel nous avons retiré l'essentiel de la description de la synagogue.
Celle ci est séparée des bas-côtés par des arcades décorées d'arabesques et que supportent des colonnes de marbre rouge. Le coeur est réservé au tabernacle, l’ Hekkal portant gravé au sommet les commandements de Dieu et l'étoile de Salomon que l'on retrouve d'ailleurs dans tous les vitraux. E Cruck écrit encore: " l'étoile de Salomon que l'on retrouve dans tous les vitraux et les lanternes marquées au sceau de Salomon ". Cette étoile, que d’autres appellent, l’étoile de David. A l'intérieur, derrière une draperie de velours rouge brodée d'or datant de 1845, plusieurs sépharims sont enfermés. Chacun d'eux contient écrit à la main en hébreu sur parchemin, le pentateuque ou les 5 livres de Moïse. Des fidèles ont offert les ornements qui les surmontent ainsi que l'index en or ou en argent avec lequel l'officiant suit la lecture de la Loi. En avant du tabernacle on remarque un magnifique candélabre à huit branches, sur le modèle de celui de Jérusalem qui n'en avait que sept, mais qu'il est interdit de reproduire. Au milieu de la grande Nef, la Téba, où les tables de Moïse, sont en noyer ciselé, ainsi que la chaire en pur style oriental. 900 sièges en chêne massif, occupent le rez de chaussée du temple.
Au 1er étage, sur les côtés et devant les grandes orgues qui comprennent 18 jeux et 900 tubes, sont les places réservées aux femmes, les hommes seuls ayant droit d'occuper le bas pendant les offices religieux. Si les femmes sont exclues des cérémonies synagoguales, elles sont les responsables de la vie juive, et les continuatrices exclusives de la tradition communautaire et familiale, écrit André Chouraqui dans l’Histoire des juifs d'Afrique du Nord" page 171, Hachette,1985.
Le plafond de cet oratoire comme celui des deux bas côtés du temple est orné d'une Ner-Tamid, aux nombreuses veilleuses ajourées, la plupart en argent massif offertes par les fidèles en mémoire d'êtres chers disparus, parce que " la flamme symbolise l'âme ". Les ampoules électriques sont dissimulées dans de jolies lanternes marquées du sceau de Salomon. Ner tamid (hébreu) est la lumière perpétuelle brûlant en permanence dans les synagogues au-dessus de l'Arche contenant les rouleaux de la Loi. Désigne également la veilleuse allumée en souvenir d'un défunt ( Marek Halter "la mémoire d'Abraham" Ed Robert Laffont 1985)
Au premier étage deux salles servent, l'une aux assises du tribunal rabbinique chargé de trancher les différents religieux, tribunal que préside le grand rabbin auquel sont adjoint deux assesseurs, l'autre aux délibérations du consistoire. Dans la première pièce se trouve une précieuse bibliothèque renfermant toute une littérature religieuse sous forme de manuscrits et de livres vieux de 2 ou 3 siècles.
Cette synagogue est la plus belle de toute l'Afrique du Nord -Le bâtiment est majestueux, très haut, Les pères du projet ont voulu briser par ce symbole une des 12 lois de la charte dite d’Omar qui stipulait que les synagogues ne devaient jamais être plus hautes que les maisons arabes. De même on ne devait pas entendre leurs prières et leurs clochettes. Désormais, ils étaient des hommes libérés de la condition de Dhimmi.
A l'intérieur se trouvent des plaques où sont gravés les noms des 400 juifs morts au cours de la guerre 1914 -1918. Les juifs d'Oran peuvent être fiers de leur oeuvre On a entendu dans les murmures des premiers fidèles: " sof tov. ha kol tov , tout est bien qui finit bien "
Le vent de l'histoire a soufflé une fois de plus dans le mauvais sens, la belle synagogue est devenue une mosquée. Dans toute l'histoire du Maghreb, c'est un événement courant. Les lieux de culte ont changé de mains selon les forces en présence. Des synagogues sont devenues églises, des mosquées sont devenues des églises, comme l' église St André en haut du quartier juif qui est une ancienne mosquée dite des Baranis (étrangers) restaurée fin 18 ème. Quand les espagnols envahissent Oran au XVIème siècle, ils détruisirent la synagogue située à la Marine, et construisirent à sa place l'église St Louis achevée le 16 avril 1670. Ils l'appelèrent: l'Eglise de St Christ de la Patience... qu'ils eurent pour supporter les juifs. Cf. Revue Africaine. Cette synagogue elle-même construite sur les restes d’une mosquée. Les croyants ne s'embarrassant pas du lieu, ils le transforment, le détruisent et le reconstruisent pour prier.
Elle reste un lieu de culte pour les " Ahl El Kitab ", les peuples du livre, la maison des prières, " el Beth ha tefillah ".
Texte écrit en 1997, voir AFN collections, N° 10 Janvier.
http://afn.collections.free.fr/pages/bul1997.html#10
Remanié en 2010.
Vendredi 18 juin 2010.
Jean, Pierre Badia



Le tremblement de terre d’Arzew 1
du 24 Juillet au 4 Août 1912.
Un peu d’histoire.
La plaine, le port et les environs d’Arzeu ont toujours été convoités Pour les salines qui se trouvent aux alentours, malgré son eau au goût salé. La nappe se trouve au-dessous du niveau de la mer. De nombreuses citernes en ciment pour recueillir l’eau de pluie attestent encore du manque d’eau. Il faudra attendre les années 1860 et le génie organisateur du général Deligny, commandant de la Province pour avoir de l’eau potable en abondance.
Ptolémée célèbre géographe d’Alexandrie nomme Arzeu: Théon-Limen c’est-à-dire le port des Dieux2. Pour Pline il s’agit d’Arsenaria. Les Arabes appelaient ce lieu Arzéou qu’ils étendent à tout le canton. Les Européens appelèrent cette ville antique, le Vieil Arzeu, puis Saint Leu lorsque le centre de population se forma à l’Ouest près des ruines des restes de la cité romaine.
Ces lieux furent toujours habités, d’abord par les Ben Bet’t’ioua (Betouïa) une tribu berbère descendante d’immigrés du Rif marocain, puis aussi par des demi nomades, les Hamian. Ceux-ci confectionnaient leurs “maisons” de débris de toutes sortes qu’ils trouvaient alentour, si bien qu’il n’était pas rare de découvrir dans cet amas confus de matériaux hétéroclites, une stèle ou une colonne sculptée en guise de porte, vestiges émouvants des anciens occupants des lieux. Berbrugger3 écrit en 1857 qu’un magnifique chapiteau de l’ordre corinthien et de marbre de Paros servait de piédestal à l’enclume du maréchal du village.
Arzeu occupée par les Français, dirigés par le général Desmichels le 4 Juillet 1833, est une charmante petite ville côtière située à 37 Km au Nord-Est d’Oran et à 44 Km à l’Ouest de Mostaganem. En partant d’Oran, il fallait emprunter la route nationale n° 4 qui traversait les villages d’Hasi bou Nif, Hasi ben Okba, Saint Cloud, Renan puis Arzew. La route continuait jusqu’à Orléansville.
La vaste rade est sûre, elle offre un débarcadère abrité. Les Turcs l’avaient bien compris; ils avaient ouvert des magasins pour entreposer des grains destinés à l’exportation. Au début du XIXème siècle, partira du port d’Arzew, une importante flottille chargée de grains pour l’armée anglaise stationnée en Espagne;
El Gran “Susto” la grande peur.
Le tremblement de terre
C’est la fin de l’après-midi, ce mercredi, il n’est pas encore l’heure de l’anisette, la chaleur est tombée, les enfants jouent dans la rue, les femmes préparent le repas. Des portes mal gardées par des rideaux en tissus, s’échappent des odeurs de frita4 aux côtelettes d’agneaux. Les bars sont pleins de joueurs de “Briska”5. Il est environ dix huit heures. Rien n’annonce la catastrophe imminente.
Tout-à-coup un bruit formidable retentit, la ville entière est frappée de stupeur. Un bruit assourdissant comme la détonation d’un obus, effraie la paisible cité. Une violente explosion venait d’ébranler tout Arzew, accompagnée de grondements souterrains, pendant que des ondes vibrantes traversaient les rues et fissuraient les immeubles. Dans les maisons, les meubles se mirent à bouger et les tables avancèrent toutes seules. Tous les objets qui se trouvaient sur des étagères furent précipités au sol.
Dans la rue les gens s’arrêtèrent, d’abord étonnés puis inquiets, d’autres s’assirent par terre en attendant que ça passe. Les promeneurs virent éberlués la grosse lampe qui était suspendu au plafond de la mairie être projetée hors de son support et traverser par la fenêtre jusque dans la rue.
La première secousse sismique qui n’avait duré que quelques secondes venait de se produire. Elle n’avait pas provoqué de panique. C’était trop court, très violent, sans pertes de vies humaines, mais elle avait disloqué toutes les maisons, creusaient des lézardes profondes dans les murs et les plafonds. Les habitants de ce charmant port près d’Oran, ne pensaient pas à cet instant que le cauchemar qui venait à peine de commencer, allait durer douze jours.
Quelques jours plus tôt, la ville entière frémissait de joie et se donnait entière à sa fête , les fameuses fêtes d’Arzew qui duraient plusieurs jours amenant leurs cargaisons de “touristes” Oranais et des environs; les “Cassuelas” d’Oran aux souliers pointus et bicolores qui feront danser les belles filles des pêcheurs espagnols et italiens. Le chic, expression d’Oran, c’était de porter des souliers de couleur noir et blanc, pointus et biens serrés. Un talon bien marqué, et surtout la semelle lisse, obligatoire pour les valses et les tangos.
Les boulevards près du port, se chargeaient dans la soirée d’une jeunesse turbulente et gaie, et les jeunes gens savaient contourner la difficulté de l’ approche des jeunes filles aux robes fleuries par des “piropos”6 bien sentis qui
n’avaient rien à envier à ceux que l’on aurait pu entendre sur les ramblas de Barcelone ou les paseos de Malaga, mis à part le langage.
Tous les fêtards partis, les “employés ” ( los basureros), de la mairie s’occupèrent une journée entière à mettre de “l’ordre” dans la ville. C’est à la fin de l’après-midi que débuta le tremblement de terre. Les vieux pêcheurs italiens dirent par la suite que la main divine de Saint Michel, le prince des anges, avait voulu protéger leurs enfants en reculant le moment de l’explosion.
Dans la nuit suivante, et surtout le lendemain, six autres secousses moins violentes que celles de la veille secouèrent encore les maisons. Le cauchemar allait durer jusqu’au 4 août où l’on ne compta pas moins de 25 secousses. Toutes ont été plus ou moins semblables: d’abord on entendait une explosion puis un grondement souterrain et enfin des vibrations dans tous les sens. Ce qui a été remarquable, c’est que seule la première secousse a provoqué les formidables dégâts constatés, les autres n’ont fait qu’élargir ou accentuer les fissures et les lézardes, mais sans en créer d’autres.
Les pauvres habitants d’Arzew ne savaient plus à quel saint se vouer. Les détonations et les secousses se produisaient de manière anarchique, tantôt la nuit, tantôt le jour. Il n’a jamais été possible de prévoir une heure ou une autre. La seule indication, mais on la constaté plus tard, c’est que les secousses survenaient à peu près toutes les deux heures.
Pourtant l’activité n’a pas cessé et bien que les grondements et les mouvements touchassent aussi la mer, les pêcheurs ont continué de sortir leurs barques. D’ailleurs, ce sont eux qui les premiers ont senti le tremblement dans la mer, il s’est produit une aspiration, comme si leur barque touchait le fond. Ils racontaient que de la mer ils ont vu les maisons bouger puis disparaître derrière un nuage de poussière, ce qui vous l’avez compris était très exagéré.
La plupart des immeubles et maisons avaient été touchés et bien que l’on pouvaient encore y vivre, il fallait se rendre à l’évidence, tout devait être sinon reconstruits du moins re-consolidés. Les techniciens de la mairie et les experts dépêchés d’Oran, estimèrent que les maisons et bâtiments avaient perdu plus de 30 à 40% de leur solidité et par là de leur valeur marchande. Comme les tremblements ne cessaient pas, la panique a commencé à naître chez certains qui n’arrivaient pas à calmer leur angoisse.
Rien n’y faisait, les encouragements, les conseils, les déclarations des scientifiques. La plupart des habitants ont résolu leur peur en dormant dehors à la belle étoile, la période le tolérait bien, c’était l’été, les nuits étaient splendides. Il faudra attendre le 26 juillet pour constater que les secousses s’espaçaient dans le temps et qu’elles devenaient moins violentes. Malgré cela plus de 1500 personnes quittèrent Arzew, et beaucoup s’installèrent à la suite de cette catastrophe dans d’autres villages.
La fin du séisme peut être datée sérieusement au dimanche 4 août 1912. Le drame a duré 12 jours, puis plus rien, plus de grondements, plus de peur, enfin dormir tranquilles. Il a fallu attendre quelques jours pour en être sûr. Les habitants recommencèrent à regagner leurs maisons pour évaluer les dégâts. Ils étaient sérieux, et graves surtout pour les petites gens.
Mais que s’était-il passé au juste? un tremblement de terre! d’accord, mais les explosions? des détonations extraordinaires qui n’ont pas eues les répercussions auxquelles on aurait pu s’attendre. La première secousse d’un rayonnement de 50 kilomètres s’est à peine faite sentir à Oran, comme à Perregaux. Par contre tous les villages alentour, Damesme, Saint-Leu, Renan ont été un peu plus éprouvés, mais moins que Kléber, qui se situe au pied des pentes de l’Orousse. Monsieur L. Lapparent avait déclaré à l’époque qu’Arzew se trouvait sur l’épicentre des ondes sismiques.
Le docteur Bories auteur d’une étude sur le tremblement de terre d’Arzew émit l’hypothèse que l’explosion avait pu être produite par la pénétration subite d’eau de mer dans une poche de gaz hydrocarburée ou déplacement de gaz sous l’action d’une poussée d’origine profonde. Quoi qu’il en soit et malgré la terreur qu’inspire ces événements sur lesquels l’homme n’a aucune prise et qu’il ne peut que subir, ce tremblement de terre ne fut qu’une pâle réplique de ceux qui ravagèrent en 1908 les villes italiennes de Messine et de Reggio.
Quelques jours plus tard, le mercredi 18 septembre, à huit heures moins le quart, la population qui s’était remise peu à peu au travail a été de nouveau frappée de stupeur. Une violente secousse suivit de deux détonations très rapprochées presque aussi fortes que les premières du mois de juillet a semé la panique.
Les grondements souterrains et les vibrations ont fini de lézarder plus profondément les immeubles et les pêcheurs occupés à réparer leurs filets sur leurs barques, ont ressentis des mouvements venant du fond marin sur une mer d’huile.
Allait-on recommencer? allait-on subir le même sort que celui d’Oran, qui on s’en souvient fut détruite presque entièrement le 9 Octobre 1790 ensevelissant plus de 3000 mille personnes? Heureusement, non! cette secousse et ces détonations furent les dernières et les Arzeuwois se mirent à l’ouvrage, il n’en manquait pas.
Il fallait reconstruire et consolider cette petite ville qui fut pendant un certain temps un simple poste militaire et qui maintenant est devenue un formidable port méthanier.
Entre les deux, nous y fûmes heureux.
En souvenir d’Arzew , et de ses heureux habitants à qui je dédie cet article, en toute amitié.
Notes:
1 C’est un Pasteur Anglais, le docteur Shaw voyageur au 17 ème siècle qui a transcrit Arzeu avec W pour ses lecteurs anglais.
2 Henri-Léon Fey-Histoire d’Oran p.30 (réédition de 1982)
3 Berbrugger né à Paris en 1801, DcD en 1869 à Alger.Vient en Algérie en 1835 où il devient Secrétaire du Gouverneur général Clauzel en 1835. Fondateur en 1835 et Conservateur de la bibliothèque d’Alger. Sur les instructions du gouverneur Randon, il fonde en 1856, La société historique algérienne et son bulletin trimestriel: La revue Africaine. Véritable trésor bibliographique se compose de 106 numéros, de 1856 à 1962.
4 Frita: Succulent plat méditerranéen, composé de poivrons, de tomates, d’oignons, mijotés dans de l’huile d’olive, aromatisée d’épices rares, et du savoir faire pied-noir. Se mange chaud ou froid, même sur “la tête d’un teigneux”. Le goût est rarement retrouvé ailleurs.
5 Briska-jeu de cartes très prisé dans l’Oranais. Se joue avec des cartes “espagnoles” très différentes des cartes françaises. Le jeu comporte 4 séries de 4 couleurs : El Palo, La Copa, El Oro, La Espada.
6 Les “Piropos” sont des compliments que lançaient les garçons aux filles qu’ils rencontraient dans la rue ou comme c’est le cas ici en les croisant dans les boulevards. Faire le boulevard, c’était arpenter le boulevard ou l’avenue dans sa longueur par groupe de deux, trois ou quatre amis. Il y a avait des groupes montants et des groupes descendants. D’une manière générale, les filles étaient ensembles et lorsque les garçons les croisaient, ils leur lançaient les fameux “piropos” qui devaient être toujours positifs, exagérés et bien sentis pour être appréciés et ultime bonheur d’avoir la chance de recevoir une réponse aimable. Beaucoup de ces Piropos étaient dits en oranais véritable, mélange de Français et d’Espagnol chapourao (approximatif), comme par exemple : ”Ay! que guapissima! jamais j’ai vu la même”, etc... La qualité du “Piropo” se mesurait immédiatement, à la réaction. Celle-ci était multiple et bien codifiée. On pouvait alors savoir si on avait fait “Choufa” ou si on avait une “touche”. Mais attention au mariage.
Une vue aérienne de Kristel - photo de Arthus Bertrand
Kristel et Canastel
des villages
près d’ Oran
Canastel est le nom hispanisé de Krichtel.
Lorsque les espagnols rencontrèrent les Krichtels pour la première fois, au début du XVème siècle, à l’occasion de l’achat de légumes, fruits, poissons, et que ceux-ci se nommèrent, ils ont traduits, Krichtel par Canastel. Difficulté de compréhension, erreur de transcription ou simplement facilitation de prononciation comme le soulignent les linguistes. Les mots se transforment, vivent et évoluent et Krichtel devint Kristel.
Canastel ou Kristel désignaient à l’origine le même lieu, selon la chronique de voyage du docteur Shaw en 1730. A l’époque, on donnait ce titre en Angleterre aux médecins, aux membres du Barreau, aux membres du Clergé. Savant, ecclésiastique, chapelain de la factorie anglaise, il a visité Oran et sa région en 1730, et a écrit une relation de ses voyages, parue en 1743. Peut-être était-il aussi un peu espion? On connaît les sentiments fraternels qui unissent la perfide Albion à la douce France, n‘est-ce-pas?
Les Oranais connaissent deux endroits différents. Tous les deux situés sur la côte à l’Est d’Oran. L’un Canastel, distant de 7 kms après le quartier de Gambetta, dont on parlera plus bas, et l’autre Kristel ou Krichtel des anciens qui se trouve à environ 25 Kms. On s’y rendait avec la compagnie des cars Faz et Marchado qui assuraient la liaison entre Oran et Kristel, par St Cloud, Canastel et Aïn Franin. Après l’arrivée des Français, les villageois allaient vendre leurs produits aux Halles de Cuvelier, un quartier d’Oran, situé au Sud-Est entouré des quartiers de La Cité Petit, du Foyer oranais, de Brunie et de Choupot.
KRICHTEL ou Kristel
Etude onomastique.
Krichtel ou Kristel serait la contraction de 2 mots berbères : Krich = Ventre et Tell = La montagne. D’où Krich/Tell qui signifierait : ”Le ventre de la montagne”. Quand on connaît le lieu, cette explication est plausible. Une pointe rocheuse qui s’avance dans la mer, entourée de deux plages, l’une de galets et l’autre de sable, Sidi Moussa et Tamda (Santa).
L’Origine du Nom
Kristel doit son nom aux premiers habitants du lieu : Les Krichtels ou Krichteuls
Ceux-ci appartiennent à la tribu des Beni Amer, originaires de la région de Ghazouan près de Taïf, une ville près de Djedda, qui se trouve à trois journées de la Mecque. Ils sont les descendants des Zénètes de la branche des Maghroua issue elle-même des Ouled Rached, installés dans une partie du Maroc et en Oranie.
Le Nom de Krichtel vient de l’ancêtre de la tribu qui s’appelait : Krichtel ben Mohamed ben Tabet ben Mendil ben Abderrahmane el Maghraoui. Charles André Julien, dans son Histoire de l’Afrique du Nord parue en 1975, nous éclaire à ce sujet. Il écrit: « Les Zénètes ou Zénatas sont de nouveaux venus au Maghreb par rapport aux anciennes tribus Berbères. Ce sont de grands nomades chameliers qui n’avaient aucune racine dans le pays, aucune solidarité dans la vieille Afrique. Pasteurs nomades ou transhumants Kharijites au Xème siècle, ils ont lutté contre les sédentaires Sanhadjas pour asseoir leur suprématie à l’ouest du pays. La Zénétie centrale comprenait une partie du Maroc et l’Oranie”.
L’émir Abd el Kader appartenait à cette Tribu- il vivait près de ma’Asker littéralement la mère des soldats (Mascara) au lieu-dit les Guethnas (les Tentes). Ce mot Guethna est le pluriel de Guitoune, que nous avons adopté pour désigner une tente militaire.
On comprend mieux la relative indépendance de la tribu des Krichtel par rapport à celles des Smelas et Douaïrs des environs d’Oran, qui appartenaient aux tribus sédentaires des Sanhadjas. Les Zénètes et les Sanhadjas constituant les deux grandes familles de Berbères en Algérie.?€??€?Les écrits de “El Mécherfi de 1764, traduits par Marcel Bodin, démontrent les origines des «Krichtel « et leurs déambulations en Algérie pour se fixer enfin à l’ouest bien avant l’arrivée des espagnols. La traduction de Monsieur Marcel Bodin est somptueuse, à titre posthume, qu’il en soit ici remercié. Marcel Bodin né à Mostaganem en 1875 et mort dans la même ville en 1956.
Les Villageois
Les Krichtel comptent vers le milieu du 16 ème siècle une population forte d’environ 90 habitations c’est-à-dire plus ou moins 450 individus, ce qui est faible en regard des Smelas et des Douairs qui vivaient près d’Oran, aux abords de Kargentah. Cela peut expliquer en partie qu’ils se soient ralliés aux espagnols, dès leur arrivée au XVIème siècle sur les côtes d’ Oranie, bien que les raisons profondes remontent plus avant dans leur histoire. On l’a vu plus haut.
Le Village de Krichtel
En se déplaçant vers l’est, à quelques lieues d’Oran, environ 25 Kms, se trouve Kristel. Ce petit village qui fait face à la mer, est situé dans un champ d’oliviers au pied de la montagne des lions, le djebel «Khar” des arabes, au sud du cap Ferrat abrité par la pointe de l’aiguille. On y accède par une route en lacets qui descend vers la mer. Ses habitants étaient des cultivateurs, devenus aussi des pêcheurs-cultivateurs puis maraîchers. Les figuiers aux branches tortueuses et envahissantes, chargés de délicieuses figues vertes ou noires attestent de la présence dans la terre d’une eau abondante. Deux sources miraculeuses dans cet endroit désert. L’une descend de la montagne des lions et vient irriguer les beaux jardins qui se déploient en étages jusqu’à la mer, l’autre source dite «de Sidi Moussa». Dans tous les lieux de cette côte d’Afrique, où se trouvait l’eau, se trouvait aussi l’homme. Ainsi pour la fondation d’ Oran en 902, et sa source de Raz el Aïn.
Les Espagnols occupent Oran après leur victoire sur le roi de Tlemcen le 17 Mai 1509 par les armées du Cardinal Ximenes commandées par Pedro Navarro, jusqu’en 1708. Les Turcs reprennent la ville jusqu’en 1732. Le 1er Juillet 1732, après la victoire remportée à Aïn el Turc par le comte de Montemar. Oran est reprise au Dey de Mascara jusqu’en 1792, soit 2 ans après le terrible tremblement de terre qui détruisit pratiquement toute la ville. Malgré ce tremblement de terre, la ville assiégée, a résisté aux assaillants. C’est le traité signé à Alger avec le Dey, qui abandonne la ville et non une défaite militaire. Les Beys de Mascara s’installent alors à Oran de 1792 jusqu’à l’ arrivée des français. le 4 Janvier 1831.
Au temps de l’occupation espagnole d’Oran, les villageois de Kristel approvisionnaient par bateau les habitants de la ville et la garnison. Outre les légumes, fruits, poissons, comme on l’a déjà dit, ils vendaient aussi des cires et surtout des esclaves. Oran est un préside c’est-à-dire un bagne, duquel on ne pouvait sortir par terre, ni s’approvisionner, sinon par la force. Pour reconnaître leurs alliés de leurs ennemis, les espagnols les tatouèrent. Les tribus des Douairs et Smelas qui occupaient le plateau du Kheneg en-netah, lieu où l’on tue les taureaux, ou le marché aux bestiaux, l’actuel Karguentah, ne pouvaient tolérer ces incursions d’autant que cette tribu était l’alliée de l’occupant. Quelquefois pour éviter les attaques des tribus de Karguentah, les Krichtels étaient obligé de se réfugier dans les grottes qui se trouvaient au pied des falaises de l’actuel Château-neuf, ou de rebrousser chemin par la mer.
TEGHTI et Renseignements
Pourtant alors qu’ils sont peu nombreux, ils sont forts et redoutables. A côtés de leurs occupations majeures, le commerce, la pêche et le maraîchage, ils pratiquent le “Teghti” c’est -à- dire le rapt, ou comme le dit si joliment el Mécherfi : ” l’enlèvement subreptice ”. Ils fournissaient aux espagnols des renseignements sur tel ou tel Douar, ou sur tels ou tels individus, soit qu’ils enlevaient eux-mêmes, soit qu’ils bénéficiaient en retour du fruit de la Razzia opérée par les sorties de “commando” d’une partie de la garnison espagnole. Cette sortie devait être extrêmement bien préparée et minutieuse. Les douars attaqués se trouvaient quelquefois fort éloignés d’Oran, et sitôt les enlèvements commis, il fallait rentrer à bride abattue pour éviter les attaques d’autres tribus amies venues à la rescousse. Cela était souvent possible grâce aux bons renseignements des Krichtels.
Eux-mêmes procédaient de la sorte: ils se munissaient d’une ceinture de cuir, attaquaient leur victime en lui plaçant la ceinture dans la bouche et l’amenaient de nuit sur la place d’Oran, où ils la vendait aux espagnols. Que Dieu les maudissent, les confondent et en purgent la terre! s’exclame le pieu El Mécherfi . Un Musulman vend un Musulman à l’infidèle abhorré.
Soit dit en passant, les espagnols loin de leur sol adoptaient les modes de vie du lieu et s’enrichissaient de la vente des prisonniers. Ils avaient coutume de baptiser et d’élever ensuite dans la religion chrétienne les enfants en bas âge capturés au cours d’une razzia. Pour cette occasion le vicaire général et le capitaine général de la place assistaient aux pompes et donnaient un nom aux enfants nouvellement baptisés qui formaient ainsi le groupe des nouveaux chrétiens .
CANASTEL
L’origine du nom de Canastel près d’Oran, vient comme l’a vu, de sa proximité avec le village de Kristel duquel il n’est éloigné que d’une dizaine de kms. Avec le temps est parvenu jusqu’à nous les deux noms: le vrai et sa déformation. Le même nom a été aussi donné à une pointe de terre, nommée Ahmeur Dekenah (pente rouge) ou Cabo Rojo (cap Rouge ou cap Roux), d’autres disaient Cabo rousso. Si bien que l’on trouve dans le prolongement en venant d’Oran, la pointe de Canastel, Kristel, la pointe de l’aiguille, le Cap Ferrat, le cap Carbon puis près du fort de la pointe, le village d’Arzew qui ferme la boucle à l’Est de cette presqu’île, annonçant les fameuses plages de Damesme, Saint Leu et Port aux Poules.
Le lieu-dit Canastel qui se trouve près d’Oran à environ 7 kms après le quartier de Gambetta est un lieu de création récente. Il a été créé au cours de l’année 1930, écrit Eugène Cruck en 1939, par trois de nos concitoyens, MM Rico, Dordé et Soler qui n’hésitèrent pas à immobiliser une petite fortune, là où il n’y avait qu’un plateau couvert de broussailles, et de genêts odorants.
Très rapidement apparaissent dans ce lieu huppé, pour les riches et les nantis, de luxueuses constructions comme Le “Grand hôtel” de 30 chambres dont une façade s’élève à pic à 200 mètres au-dessus de la mer, inauguré en 1925. Il possédait une vaste terrasse d’où l’on pouvait admirer la baie d’Oran. La magnifique vue que l’on avait du haut de son promontoire, et sa proximité de la ville faisait que ce lieu de rêve était très fréquenté par la haute société oranaise, et les notables de passage. La station « Climatérique» recevaient les «Hiverneurs» de France et de l’Est algérien. A côté du Casino des Falaises se trouvaient le tennis, les restaurants “la Guinguette”, “Bagatelle” et quelques villas. Le Casino était un endroit réputé......pouvaient-on lire sur les guides Thiolet de 1937.
Les pêcheurs à la ligne des quartiers de gambetta, de Saint -Eugène et des quartiers populaires préféraient les rochers à demi immergés qui longeaient la côte oranaise au pied des falaises de Canastel et plus près de la Cueva del Agua (la cova lagua), pour la variété de leurs poissons. Encore que, la déverse des égouts de la ville attirait une variété particulière de poissons; les mulets. Les plus débrouillards pêchaient au loin en barques «faites-maison» : les Botes à ventre arrondi ou les Pasteras à fond plat.
Annexes:
C’est en m’inspirant de l’ouvrage du Docteur Shaw, des lectures des sites de nos compatriotes, de la Revue Africaine, notre trésor “national”, que j’offre aux Oranais d’abord, puis à tous les autres curieux, ces quelques lignes historiques sur Canastel et Kristel.
Je vous signale, si vous ne le savez pas déjà, que l’on peut consulter par internet et/ou télécharger les premiers 80 volumes de la Revue Africaine, véritable trésor de connaissances, fondée par Louis-Adrien Berbrugger (1801/1869).
http://www.algerie-ancienne.com/livres/Revue/revue.htm
puis, dans ce site ci-dessous se trouvent aussi des livres anciens sur l’Algérie que l’on peut télécharger
http://www.algerie-ancienne.com/index.htm
La place de Saint Eugène
La création des quartiers à Oran
1845 : Construction du "Village Nègre" par le général Lamoricière.
* À partir de 1848, Oran devient préfecture du département homonyme. Création du petit Bassin du Vieux Port (quatre hectares). Un hôpital civil est édifié.
1849 : Construction de la chapelle de la Vierge pour se débarrasser du choléra.
1880 : Début de la construction de la synagogue. Oran connaît une grande extension à partir de la place d'Armes. Le ravin de l'Oued Rouina est comblé.
1881 : Apparition des premiers omnibus traînés par deux chevaux.
1886 : Inauguration de l'hôtel de ville.
1899 : Premiers trams électriques.
1907 : Édification du théâtre.
1909 : 14 décembre : sur un terrain de la Sénia, Julien Serviès effectue le premier vol retentissant en Oranie, avec un monoplan Sommer. Le 9 janvier suivant, un grand meeting rassemble quarante mille personnes, toujours à la Sénia, en présence du Maréchal Lyautey.
1913 : Ouverture au culte de la Cathédrale du Sacré-Cœur.
1930 : Création de nouveaux quartiers, moins denses et plus luxueux, achevant l'urbanisation de la première couronne, dans sa partie orientée vers l'intérieur du pays ; ces quartiers sont Gambetta supérieur, Bon Accueil, les Castors, Médioni, Boulanger, Cité Petit… Ce développement se poursuit tous azimuts avec la création de quartiers encore plus somptueux, débordant la première couronne (quartier de Saint-Hubert, Les Palmiers, Point du Jour, Gambetta…)
1930-32 : Oran-La Sénia est l'aérodrome utilisé sur lequel sont établis plusieurs records mondiaux de durée et de distance en circuit fermé.
1940 : Début de la construction de la nouvelle préfecture.
1940 : 3 juillet : la flotte française de l'Atlantique basée à Mers el Kébir, est bombardée par la flotte britannique, en provenance de Gibraltar, entraînant la perte de trois cuirassés : le Dunkerque, le Provence et le Bretagne. Mille deux cents marins périssent.
1950 : Oran compte 256661 habitants. La population oranaise originaire d'Espagne est estimée à 65 % du total des Européens, eux-mêmes plus nombreux que les musulmans.
1957 : Construction du stade municipal baptisé "Fouques-Duparc", d'une capacité de quarante-cinq mille places.
Pour l’inauguration: 2 matchs de gala. En Match d’ouverture, une sélection composée des meilleurs joueurs de club de l’Oranie ( JSSE-ASMO-SCBA-FCO-CDJ etc...) contre l’US Quévilly (Normandie). Au match principal, deux prestigieux clubs s’affrontent: Le Réal de Madrid contre le stade de Reims de la belle époque. Di Stéfano, le Divin chauve ( ballon d’or en 1957 et 59) contre Kopa (ballon d’or en 1958), surnommé le «Napoléon du football» . Quelle journée!
Oran, la promenade de Létang- Dessin de Brouty
Les insolites d’Oran
L’aljamiado
A la mairie d’Oran, milieu du XXème siècle, existait, entres autres services, un service d’Archives, et une association- société qui diffusait un bulletin. De grands noms s’y succédèrent, tels Eugène Cruck1, Lespès2, etc. Mais celui dont je veux parler ici est Jean Cazenave3. Lettré, érudit, polyglotte,modeste, et travailleur acharné.
Il eût un jour entre ses mains, un document de l’époque espagnole, écrit en arabe. Il le lut, mais ne comprit rien. Quel était ce charabia? il eût beau le tourner dans tous les sens, rien. Il ne trouvait pas de sens à ces phrases. Tout-à-coup, désappointé devant ces lignes, il se leva de son bureau, pour réfléchir et les lut à haute voix. Et là! miracle, la phrase résonnait autrement. Elle prit des accents connus. Il lui semblait soudain qu’il avait entendu ces mots quelque part. Mais oui! en espagnol! le mystère s’éclaircit. C’était de l’espagnol écrit en arabe. Il s’agissait d’un poème d’amour, qu’une jouvencelle écrivait à son amoureux. Un texte de l’Espagne occupée du Xème siècle, où l’écriture arabe est omniprésente.
Cette forme d’expression écrite s’appelle: l’Aljamiado. Prononcez le «j» français. Celui-ci va devenir la jota que l’on connaît au Moyen âge.
L’aljamiado, aljamía ou l'alyamía en espagnol vient de l’arabe al-‘adjamiyya, paroles d’étranger et désigne le fait d'écrire avec l’alphabet arabe, la langue romane
parlée par les Andalous durant toute l'époque tardive d'Al-Andalus.
Même si la langue de l'administration était alors l'arabe, le latin n'a jamais cessé d'être pratiqué ; cette langue romane, parlée en des terres non encore reconquises par la Castille ou par l'Aragon, s'écrivait alors avec des caractères arabes, du fait de la grande influence de l'arabe écrit et de l'oubli des caractères latins.
Notes
1Oran et les témoins de son passé, Heintz, Oran, 1956.
2 Oran.: Etude de Géographie et d'Histoire urbaines. 1938
3Jean Cazenave, historien et géographe de la ville d’Oran est l’auteur de nombreux ouvrages historiques sur Oran--Pour son travail- Consulter le: BULLETIN DE LA SOCIETE DE GEOGRAPHIE ET D’ARCHEOLOGIE D’ORAN- site: laportj.club.fr/maghreb/BulletinOran.doc
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Talleyrand (1754-1838)
ou Talleyrand (1754-1838) et la diplomatie française.
Décidément, l’Algérie tout le monde la voulait, mais pas pour les mêmes raisons. Allez dire aujourd’hui à quelque pieds noirs encore meurtris, que l’Algérie et la Belgique furent l’enjeu d’un marchandage entre plusieurs pays européens. Ils n’en croiraient pas leurs oreilles et pourtant.
Le coup de l’éventail que chacun se persuade de croire qu’il s’agissait d’une espèce de lèse-majesté, fut pour d’autres un coup monté. Vous vous rendez compte, frapper même avec un chasse-mouche le représentant de la France! et si on vous disait que l’affaire était prévue, et voulue depuis longtemps! Qu’elle était en quelque sorte dans le sac.
1793 n’est pas loin, la révolution, la liberté, l’égalité française font trembler les rois du vieux continent. L’Europe est coalisée contre la France et ses idées subversives. La disette est partout. Il ne reste qu’une alliée: la régence d’Alger et le Dey. Celle-ci par l’entremise de la maison Bacri-Busnach, des commerçants juifs livournais, qui détiennent presque tout le commerce de la régence, livre du blé à la France à la première République en 1792 et ce pendant 7 ans. Le fameux blé de la discorde.
Ce blé évalué à 14 millions payés en partie aux héritiers Baccri-Busnach sera réclamé par les neuf Deys qui se sont succédés pendant toute cette période,1792/1830- Hassan III, Mustafa II, Ahmed II, Ali IV, Ali V, Muhammad VI, Omar Agha, Ali VI Khodja, puis Hussein III. La Restauration le fixa en 1819 à 7 millions. En 1827, rien n’est fait. Hussein créditeur de Bacri-Busnach réclame le paiement à Louis XVIII. Rien n’est fait.
Mais attardons-nous en Amont. Talleyrand voulait des territoires pour la France, et de grands territoires à peupler. On ne peut plus s’étaler en Europe, sauf peut-être la Wallonie? il regarde du côté de l’Algérie. Pour lui, tout est bon pour arriver à ses fins. D’abord semer la zizanie entre les artisans et les opposants à son projet. Il est le maître de ces stratégies. Les différents chefs d’Etats et les régimes différents sous lesquels il a servi en témoignent. Ensuite, aggraver le différents entre Paris et Alger, les méfaits de la course en Méditerranée suffisaient, enfin traîner la patte pour honorer les véritables réclamations du Dey pour le règlement de la dette, qui s’élèvent à plusieurs millions, millions qui vont fondre au soleil, au fur et à mesure du temps et des régimes qui passent.
Talleyrand avait commandé sous le consulat en 1801, la rédaction d’un mémoire sur l’éventualité d’un débarquement d’une armée de terre contre Alger. Sept ans plus tard, il obtint de Napoléon, l’envoi d’une mission quasi secrète, reconnaître un lieu d’accostage. La plage de Sidi Ferruch fut choisie. Pour l’Empereur, il s’agissait de posséder un point d’appui terrestre à Alger de la même importance que Gibraltar pour les Anglais. Cette mission est connue sous le nom de son ingénieur, chef de bataillon et marin Vincent Yves Boutin qui s’embarque pour Alger en mai 1808, où il réside trois mois. On connaît le sort de celui-ci, il est discret, interroge un peu partout, écrit, dessine, puis découvert, part précipitamment. La mauvaise mer faillit lui coûter la vie, ses travaux furent perdus. Mais, grâce à sa mémoire, il reconstitua les plans et le principal fut conservé et, les travaux de V.Y Boutin serviront au débarquement à Sidi Ferruch de 1830.
Waterloo en 1815, met un terme aux idées expansionnistes de Napoléon et à l’Empire. Lors donc, Talleyrand nomme en 1815, le sieur Pierre Deval, consul de France à Alger. Le consul multiplie les provocations et les rodomontades. Etait-ce dans son caractère, son éducation ou bien plus sûrement sous ordre du Ministre? Il finit par obtenir ce qu’il visait, agacer le Dey Hussein qui ne le supporte plus. Le coup de l’éventail du 29 avril 1927 au cours de la réception officielle du Baïram (fête de l’Aïd en turc). La vérité est qu’il fut frappé de trois coups de chasse-mouche. Une douleur symbolique! Quelle manœuvre diabolique ! mais Talleyrand l’est-il moins? Napoléon ne disait-il pas de lui, tout en l’estimant pour ses compétences: “ C’est une merde dans un bas de soie”. Un compliment ? Mais le diable boiteux, n’était pas à un mot près, et il rétorqua: “ quel dommage qu’un si grand homme soit aussi vulgaire”. Entre les deux hommes, cet échange moucheté était habituel.
La suite tout le monde la connaît. Le 14 juin 1830, les troupes françaises, 36450 hommes, débarquent à Sidi Ferruch, ( Sidi Fraj) puis, le 05 juillet prennent Alger.
Que se passent-il pour les grandes puissances pendant ce temps? Si elles sont favorables à l‘attaque française contre la piraterie menée depuis Alger; elles craignent que la France ne devienne trop puissante, surtout l’Angleterre, comme d’habitude, mais aussi l’Espagne et la Hollande. L'Angleterre qui en 1798 a évincé la France de l’Egypte après la bataille navale d’Aboukir, puis à Trafalgar en 1805. Pour la petite histoire, il faut souligner que la piraterie était presque inexistante à cette date de 1830.
Le 04 novembre 1830, s’ouvre à point nommé, la conférence de Londres. Talleyrand, est nommé ambassadeur à Londres par Louis Philippe pour participer aux négociations qui allaient sceller le sort du territoire compris entre la Hollande et la France. Allait-on scinder en deux ce territoire? Une partie à la France, l’autre aux Pays-bas, ou bien allait-on créer un Etat indépendant, la Belgique ? Talleyrand très habilement se range à la majorité , abandonne les prétentions du trône de France sur cette partie du territoire et obtient par accord tacite la souveraineté française en Algérie. Fut-ce une bonne diplomatie?
Car, comme s’interroge si intelligemment Jean Isnard : “ Avec le recul de l’Histoire, Talleyrand a-t-il eu tort ? ou bien est-ce nos chefs politiques qui n’ont pas été à la hauteur des rêves d’un homme qui a consacré sa vie à la grandeur de la France?
L’Histoire a tenu à un fil. Que se serait-il passé si Waterloo avait connu une autre fin? que se serait-il passé si la Wallonie avait été scindée en deux ? que se serait-il passé sans Talleyrand? Autres époques, autres politiques. Maintenant, tout est rentré dans l’ordre ou presque. La Belgique existe, l’Algérie est indépendante et la France est ....éternelle.