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L' Oranie espagnole

Publié le 13/11/2010 à 20:42 par badiacaricaturesafn
L' Oranie espagnole

Oran et les Espagnols


À propos du livre : « L’Oranie espagnole, Approche sociale et linguistique»
de Lamine Benallou parue aux éditions Dar el Gharb à Oran fin 2002.



Que reste-t-il  actuellement de la langue espagnole à Oran et dans l’Oranie? On serait tenté de répondre, pas grand-chose, sinon rien. D’autant plus, qu’avec la loi de l’arabisation de l’enseignement à l’école fondamentale, même le Français est mal en point. Dans le désir de se libérer de la tutelle française, les gouvernants algériens, avaient songé un moment de le remplacer par l’Anglais. Ce fut un échec. Les liens qui unissent les Algériens à la France malgré l’Histoire, malgré la guerre demeurent solides, ne serait-ce que part la réalité de l’immigration. Aujourd’hui encore, le Français est vivace. Il est partout.

Il n’en est pas de même avec l’Espagne, et pourtant !

Historiquement, Oran et l’Oranie s’étaient distinguées du reste de l’Algérie par l’origine de sa population en majorité espagnole. Les Espagnols ont occupé Oran, Mers El-Kébir et les alentours immédiats pendant deux siècles et demi (de 1505 à 1708 puis de 1732 à1792).  Faut-il le rappeler ?  Déjà à partir de 1391, la côte Ouest accueille les exilés Juifs andalous, puis en 1492 les bannis Juifs et Morisques réunis dans le même drame, mais aux destinées si différentes. Les arrivées se poursuivront jusqu’en 1606.

Pendant l’occupation espagnole, les échanges de population entre la péninsule et les Présidios continuent. Oran abrite, outre les soldats de la garnison, des bannis, des Juifs et des Arabes andalous convertis appelés Mogatazes (de l’arabe : baptisés) qui habitaient à Oran dans des quartiers spéciaux : les Douaires.

Jusqu’en 1830, vivaient encore à Oran des Juifs et une colonie espagnole qui ne s’étaient pas résolues à quitter leur sol natal, malgré le terrible tremblement de terre de 1790 et la présence turque. À partir de 1831, les Français occupent la place d’Oran. Pour l’anecdote, ils y trouvent aussi un seul Français du nom de Gaillard (Gallardo).

Cette présence espagnole en oranie, est si enracinée que Franco en 1940, tente de négocier son alliance avec l’Allemagne en guerre contre la cession de l’Oranie et du Maroc à l’Espagne. Ce fut l’échec de « l’Opération Cisneros»1.

Les Français qui assurent une sécurité par leur présence vont créer à l’Ouest algérien un pôle attractif pour des milliers d’immigrants ; le développement de l’implantation coloniale et militaire exige une main d’œuvre agricole et artisanale. Les Espagnols2 qui fuient la misère du Sud de l’Espagne s’installent à Oran et dans les alentours. Ceux du Nord préfèrent Alger. La langue espagnole est partout présente. Il y a des journaux en langue espagnole. Un candidat aux élections municipales fait sa campagne électorale en espagnol au grand dam des autorités françaises. D’abord cantonnés au quartier de la marine qu’ils partagent avec les Procidiens3 (de l’île de Procida), ils se déplacent vers les hauts de la ville. Celle-ci se développe rapidement et absorbe un nombre de plus en plus important de nouveaux arrivants espagnols. Les derniers seront les « Réfugiés » qui désignaient ceux qui fuyaient la dictature franquiste. Ils sont originaires de toutes les régions d’Espagne, principalement de Valence et de Catalogne. Un grand nombre d’entre eux arrivent en 1939. Des contingents de réfugiés, sont déportés dans des camps au Sud, ou même en prison. D’autres s’engagent dans la Légion étrangère où ils combattent sur tous les fronts pour la France.

Pendant ce temps, la langue oranaise en tant que telle, se développe, et s’enrichit des apports des nouveaux arrivants qui l’apprennent très vite.

Une telle histoire inter-culturelle entre l’Espagne et l’Algérie a laissé des traces indélébiles sur toutes les couches de la population. Lamine Benallou a saisi et souligné cet aspect, en insistant sur la notion d’ « héritage linguistique ». Cette notion accentue les liens d’appartenance linguistique au lieu géographique « Méditerranée » par-delà le temps et les clivages politiques.

Pendant la présence française (1831-1962), malgré l’école obligatoire et les instituteurs républicains, la langue espagnole s’est installée dans l’Oranie. Cette langue va évoluer et se transformer au contact de la langue française pour devenir un langage particulier en la transformant à son tour. La langue française va incorporer l’Espagnole au-delà des mots, pour devenir un « Français local » dans lequel écrit Lanly4 :  «transparaît le substrat espagnol ».

Après le départ des Français d’ Oranie, « les Pieds-Noirs », la langue arabe est devenue langue nationale. Le Français maintenant langue étrangère se maintient comme entité, c’est la langue de prestige, mais l’Espagnol tend à disparaître. La « contamination espagnole » de la langue arabe, s’est produite principalement à Oran dans les quartiers périphériques où se côtoyaient les populations arabes et celles d’origine espagnole : Victor Hugo, Sidi-Chami, le Petit-lac, Lamur, le village nègre, ainsi que dans quelques villes et villages avoisinants. L’Espagnol va se maintenir plus par des mots qui viennent s’insérer dans la phrase arabe que par des tournures particulières. Le dialecte arabe oranais s’enrichit de ces mots et de ces formes nouvelles d’où une nouvelle langue locale oranaise.

Lamine Benallou5 avait publié en 1992, un dictionnaire des hispanismes dans le parler de l’Oranie où l’on découvrait que ces mots espagnols étaient employés dans une multitude de situations et dans les métiers de la mer. D’emplois journaliers, ils apparaissent dans les phrases, sans que le locuteur sache toujours qu’il s’agit de l’espagnol. Ils font partie intrinsèque de sa langue, de sa personnalité. Par cet aspect, l’oranais algérien ressemble à la langue oranaise d’avant 1962. Son dialecte arabe s’est hispanisé. Il a inventé à sa manière sa langue, comme nous avions créé la nôtre.

À ce propos, les deux livres de l’historien oranais, Amédée Moréno6«, sont incontournables. L’auteur y décrit cette langue locale oranaise et oranienne qui s’est construite entre 1830 et 1962 dans « Les parlers d’Oran et d’Oranie».  Son étude démontre que cette nouvelle langue « empruntait »sans vergogne tout ce qui l’intéressait aux autres langues et principalement à la langue espagnole.  Mais il montre surtout qu’au-delà de la langue qui faisait partie de la personnalité même de l’Oranais, elle le constituait en quelque sorte.

Il ne s’agissait pas de Sabir ou de Pataouète, termes à connotation péjorative, mais de langue nouvelle, malheureusement appelée à disparaître. Pour conclure ce point très important, il y a une dimension difficile à rendre; celle du plaisir que les locuteurs éprouvaient à parler cette langue, ils en jouaient.

Les dictionnaires, les études et les monographies, les « paragoge, métathèse, prothèse et aphérèse » pour ne citer que quelques termes savants de la phonétique et de la phonologie ne peuvent pas le rendre. Le plaisir à communiquer dans cette langue « chapourra », avec  le fameux « joér, tché ! » introductif, véritable « mot de passe » des oranais, qui ponctuait pratiquement toutes leurs phrases.

Quel plaisir de dire à son copain en criant (les oranais criaient pour parler) : « joér, tché  néné ! tia vu le jampoillo de Juanico ! pour qui il se prend, pour Johnny ou quoi ? je l’ai vu à la calère avec une jandora  entouré d’une catelfa de gosses. Son père est arrivé et dalé que dalé, la jamansa de palos qu’il a reçue, qu’il est resté comme un estropajo. Mais Juanico est tant engantché de cette fulana, qu’il lui a donné un espolson à son père pour s’escaper ».  A lire et à comprendre avec le dictionnaire de Moréno.

Les anciens oranais n’auront aucun mal à lire cette phrase. Elle fait partie d’eux-mêmes. Les plus jeunes éprouveront peut-être du plaisir à leur tour en découvrant dans les livres d’Amédée, la « pensée profonde ! » qui se cache derrière ces phrases.

L’Oranie espagnole, Approche sociale et linguistique de Lamine Benallou, en étudiant les influences hispaniques en oranie, montre que l’héritage continue sous une autre forme.

Ces deux études, celle de Lamine Benallou et celle d’Amédée Moréno nous instruisent, l’une du présent, l’autre de notre passé. Œuvres d’universitaire ou d’historien, elles témoignent de la vie. La langue c’est la vie.  Elles relient les hommes par-delà leur nationalité, leurs pays, elles sont émouvantes. En cela, elles dépassent leurs auteurs.  Nous leur en sommes reconnaissants car il s’agit de notre histoire.

À la lecture des pages de l’Oranie espagnole, bien que ne sachions pas assez l’Arabe pour pénétrer les entrelacs des phrases, nous aimons penser que, comme nous, les oranais algériens éprouvent du plaisir à tordre les mots et les phrases de leur « oranais local hispanisé ».

Lamine Benallou, universitaire, né à Oran en 1958. En 1994, il s’installe en Espagne où il poursuit ses recherches. Depuis 1984, il a écrit plusieurs études et ouvrages sur les rapports et les apports de l’espagnol à Oran et en Oranie. Son dernier livre est une étude très intéressante sur l’emploi actuel, des mots espagnols dans le langage courant des oranais et oraniens. Il l’éclaire d’un jour nouveau en nous invitant à le découvrir dans la vie quotidienne. Il nous informe de la réalité de la vie linguistique à Oran, tant d’années après le départ des populations européennes. Son étude est à mettre entre toutes les mains oranaises et oraniennes !

 

 

Notes-

1 Bernard Zimmerman: Migration des espagnols en Oranie-1830/1962.
2 Jean-Jacques Jordi: Espagnols en Oranie, Histoire d’une migration (1830-1914), Ed. Jacques Gandini, Nice, 1996.
3 Jean pierre Badia:Les Procidiens d'Oran - 1998
4 A.Lanly: «  Le Français d'Afrique du Nord -Etude linguistique»  Bordas, 1979.
5 Lamine Benallou: L’Oranie espagnole, Approche sociale et linguistique, Ed. Dar el Gharb, Oran, 2002.
6 Amédée Moréno: Le Parler d'Oran et d'Oranie,  2 volumes- Edit° J.Gandini-1995-1999.

 

Bibliographie de Lamine Benallou
1984-Essai de bibliographie linguistique algérienne. OPU, Alger
1988-A propos de quelques hispanismes employés dans le parler d’Oran.
1992-Dictionnaire des hispanismes dans le parler de l’Oranie. OPU, Alger
1996-Des hispanismes en Oranie. In Méditerranée Magazine N° 14
1998-Les porteurs de parole. L’Harmattan Paris.
2002-L’Oranie espagnole.  Approche sociale et linguistique.  ISBN/ 9961-54-179-0





















Commentaires (1)

Paul Souleyre le 08/06/2012
Article très intéressant. Merci.
Je suis tombé par hasard dessus alors que je cherchais une image qui pouvait illustrer mon article sur la langue oranaise. Je me demande bien pourquoi.
En tout cas, j'en ai profité pour lire votre article passionnant !

A bientôt.

Paul Souleyre


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